Description du modèle de EGC pour l’évaluation de l’impact de la guerre en Ukraine
Cette analyse utilise un modèle d’équilibre général calculable (EGC) dynamique récursif spécifique au pays, qui dépeint une petite économie ouverte walrasienne1. Du côté de l’offre, le système de production est imbriqué de manière à permettre aux producteurs de maximiser leurs profits et la demande de facteurs. Au premier niveau, le produit résulte de la combinaison, dans des proportions fixes, de la valeur ajoutée et de la consommation intermédiaire (intrants). Au second niveau, la valeur ajoutée est obtenue en combinant le travail efficace et le capital (y compris la terre). Enfin, le travail efficace résulte de la combinaison de différentes catégories de travail. Les producteurs effectuent un arbitrage entre le marché intérieur et le marché international en fonction des différences de prix. Sur le marché international, l’élasticité de la demande est limitée, ce qui signifie que les producteurs locaux doivent proposer un prix inférieur pour gagner des parts de marché.
Du côté de la demande, les préférences des consommateurs sont décrites par un système de dépenses linéaire dérivé de la maximisation de la fonction d’utilité de type Stone-Geary. Cette fonction de demande présente une composante autonome et une élasticité du revenu non unitaire. Enfin, les consommateurs effectuent un arbitrage entre les produits locaux et les produits importés en fonction des différences de prix. Les prix équilibrent l’offre et la demande sur chaque marché
Le marché du travail est segmenté en fonction du niveau d’éducation. Pour rendre compte de l’existence d’une offre de travail excédentaire dans les contextes des pays africains, nous supposons l’existence d’une courbe des salaires montrant une relation négative entre le taux de salaire et le taux de chômage (Blanchflower et Oswald,1995).
Le bouclage macroéconomique est guidé par l’épargne, c’est-à-dire que l’investissement s’ajuste à l’épargne. Ce bouclage est classique, car le modèle EGC standard est basé sur la théorie néoclassique - ainsi, sur tous les marchés, à l’exception du marché du travail, les prix s’ajustent pour atteindre l’équilibre entre l’offre et la demande. Ainsi, sur le marché du capital physique, le taux de location du capital s’ajuste pour équilibrer l’offre et la demande. Dans ce cas, nous supposons que la décision d’investissement est principalement prise par le secteur privé. Nous introduisons un marché du travail imparfait pour prendre en compte le chômage qui prévaut dans la plupart des pays africains2.
Le compte courant de la balance des paiements (épargne étrangère) reste constant et le taux de change réel doit donc s’ajuster pour maintenir cette hypothèse. Le budget du gouvernement est équilibré par des changements dans son épargne et les dépenses du gouvernement augmentent à un taux exogène3.
La partie dynamique du modèle est basée sur les hypothèses types d’accumulation de capital et d’évolution des variables exogènes. L’accumulation du capital suppose que le stock de capital dans un secteur à chaque période est équivalent au stock précédent net de dépréciation, plus l’investissement dans le secteur. L’investissement dans un secteur dépend du rendement du capital dans le secteur et du coût d’opportunité de l’utilisation du capital 4.
Pour les variables exogènes, nous considérons que l’offre de travail croît au taux de croissance de la population active5 ; la consommation incompressible des ménages et les dépenses publiques croissent au taux de croissance de la population. L’épargne étrangère croît au taux de croissance du PIB; les dividendes croissent au taux de croissance de l’épargne.
Pour rendre compte du contexte, les paramètres du modèle (taux de croissance de la population, taux de chômage, etc.) sont spécifiques à chaque pays. En particulier, l’excès de main-d’œuvre – une caractéristique du marché du travail en Afrique – est également pris en compte dans le modèle.
Pour élaborer différents scénarios, nous utilisons les données des prévisions des prix des matières premières de la Banque mondiale6. Cet ensemble de données comprend les prix observés et projetés pour deux catégories de biens: les produits énergétiques et les produits non énergétiques. Le premier groupe comprend des biens tels que le charbon, le pétrole brut et le gaz naturel. Le second comprend les produits.
1: Il s’agit d’un modèle de EGC archétype similaire aux modèles du Partenariat Politique économique et Pauvreté (PEP) et de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI). Les similitudes viennent de l’utilisation des fonctions de substitution à élasticité constante (transformation)/Cobb-Douglas and Leontief pour décrire le système de production, l’arbitrage entre le marché intérieur (produits locaux) et les marchés internationaux (produits de base importés).
2: Une approche similaire peut être trouvée dans Dissou and Sun (2013). Le modèle axé sur l’investissement pourrait également fonctionner, mais plus efficacement lorsque l’investissement est piloté par le secteur public.
3: Seelabourde et Traore (2017) pour une discussion sur le bouclage macroéconomique dans la modélisation EGC.
4: Voir la plateforme du réseau PEP pour une description du modèle EGC dynamique récursif.
5: Cette hypothèse peut susciter des inquiétudes dans le cadre de la COVID-19, car la participation au marché du travail a été affectée pendant la pandémie. Toutefois, dans ce rapport, nous mettons l’accent sur un seul canal de transmission, à savoir les changements induits dans les prix internationaux. 6: https://www.worldbank.org/en/research/commodity-markets#1
agricoles7, les matières premières (bois), les engrais8, les métaux et les minéraux9 , et les métaux précieux10. Nous comparons d’abord les prix observés aux projections (c’est-à-dire avant la pandémie) pour évaluer la robustesse des projections11, sur lesquelles nous bâtissons les scénarios. La figure1 présente la différence entre les prix moyens projetés et observés sur la période 2014-2018. Pour 76 % des produits analysés, la valeur absolue de la différence12 est inférieure à 0,4, les prix moyens projetés étant légèrement supérieurs aux prix observés. Ce résultat indique qu’en l’absence de prix observés, les prix projetés sont un bon moyen d’estimer les tendances des prix internationaux.
Figure1: Différence entre les prix projetés et les prix observés avant la pandémie
Données
La matrice de comptabilité sociale (MCS) la plus récente a été utilisée pour chacun des 16 pays africains (République démocratique du Congo, Égypte, Éthiopie, Kenya, Nigeria, Sénégal, Afrique du Sud, Tunisie, Niger, Mali, Tanzanie, Guinée, Malawi, Ouganda, Mozambique et Ghana), disponible dans la base de données des MCS de NEXUS et dans les bases de données du Consortium Modélisation des politiques pour la croissance et le développement en Afrique (AGRODEP)48. Nous avons ensuite mis à jour les MCS pour représenter la structure de l’économie en 2019 en utilisant la base de données des Indicateurs de développement dans le monde.
Données supplémentaires
Pour calibrer le modèle, nous avons utilisé les élasticités de la production, de la consommation, des importations et des exportations, disponibles dans la boîte à outils du Système régional d’analyse stratégique et de gestion des connaissances (ReSAKSS) (Union africaine et NEPAD, 2018). La valeur initiale du taux de chômage dans la fonction de la courbe des salaires provient des Indicateurs de développement dans le monde. Comme mentionné ci-dessus, nous supposons que les variables exogènes évoluent à des taux constants. Pour les taux de croissance de la population (rurale et urbaine), le taux de croissance de la population active, nous utilisons la base de données du Développement dans le monde.
En ce qui concerne l’analyse des résultats,
Pour communiquer les variations de prix des données prospectives au modèle EGC d’un pays, nous avons calculé les variations pondérées des prix à l’exportation (importation) pour neuf groupes de produits (bétail, pêche, cultures, sylviculture, alimentation, boissons, tabac, exploitation minière, industrie manufacturière), qui sont pris en compte dans le modèle EGC du pays.
7: Cacao, café, thé, huile de coco, huile d’arachide, huile de palme, farine de soja, huile de soja, fèves de soja, orge, maïs, riz, blé, bananes, viande, oranges, crevettes, sucre
8: DAP, phosphate, potassium, urée
9: Aluminium, cuivre, minerai de fer, plomb, nickel, étain, zinc
10: Or, argent, platine
11: Nous présentons des rapports pour certains produits de base afin de rendre les graphiques plus lisibles.
12: |xprojeté-xobservé|/xobservé
13: https://dataverse.harvard.edu/dataverse/sam
Pour les prix à l’exportation (importation), nous calculons d’abord les parts des produits individuels dans les exportations (importations) totales des groupes. Ces parts sont calculées à l’aide des données de la base de données Comtrade, qui fournit la structure du commerce extérieur de chaque pays. Ensuite, nous utilisons ces parts comme facteurs de pondération pour calculer les exportations (importations) pondérées pour chaque groupe de marchandises.